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Français -- Jim W. Dean -- NEO – Le succès du front politique russe au Moyen-Orient

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JimW. Dean  -- NEO – Le succès du frontpolitique russe au Moyen-Orient

Veterans Today, le 3 décembre 2015

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Soustitres en anglais


Par Jim W. Dean, éditeur en chef -  Article de Salman Rafi Cheik … avec New Eastern Outlook (NEO), Moscou

The seven golden domes of St. Petersburg

sept dômes dorés de Saint-Pétersbourg

(Remarque de l’éditeur : Quelle différence d’une semaine à l’autre. Salman a envoyé cet article à NEO plusieurs jours avant que le Su-24 russe soit abattu, et avait eu la chance du tirage d’être publié ce même jour. Mais je vais tout de même le publier malgré le décalage de neuf jours, parce qu’il met en perspective l’énigme que constitue la manière dont Moscou a joué les Saoudiens contre Erdogan dans le soutien au terrorisme).

Poutine a été cohérent dans sa proposition « tous sont les bienvenus » dans la coalition anti-EI, car la Russie n’a ni l’intérêt, ni l’envie de résoudre le problème par elle-même. Elle voulait également utiliser ses efforts en Syrie pour briser les tentatives d’isolement de la Russie entreprises par les Etats-Unis et l’OTAN. 

Et on ne peut pas dérouler le tapis rouge pour des hôtes tout en leur tendant une embuscade sur le chemin de la fête, donc les ventes de pétrole de l’EIIL et les livraisons d’armes de l’extérieur ont été reléguées en arrière-plan pour essayer de mettre en place un nouveau paradigme de coalition.

La destruction de l’avion russe et la manière déplorable dont les Turcs ont traité le problème, soutenus rapidement par l’OTAN et Obama ont mis fin à « l’invitation ouverte » des Russes à la Turquie. Erdogan a dit à Poutine où il pouvait se fourrer son pilote décédé, et les Russes ont fini par enlever leurs gants et  abandonner leur approche en douceur habituelle dans ce genre de controverses.

En raison de l’imbroglio turc, on a peu remarqué les efforts de Poutine pour essayer de caresser les Saoudiens dans le sens du poil, ce que je ne suis jamais arrivé à comprendre. La coopération énergétique à long terme relative à la stabilisation des prix était visiblement une des préoccupations majeures, mais ce sur quoi Poutine a le plus insisté c’est que les Saoudiens cessent leur soutien à l’EIIL.

Cela n’avait aucun sens pour moi, car garder la Syrie du nord hors du contrôle de Damas semblait être une priorité selon les Saoudiens et les Qataris : faire passer un oléoduc à partir du Golfe à travers ce territoire pour rejoindre les oléoducs turcs et les ports cargo vers l’Europe. La Turquie soutenait principalement al-Nusra (Al-Qaida en Syrie), alors que les Saoudiens, les Qataris et les Israéliens soutenaient l’EIIL en Syrie et en Irak afin de maintenir les deux pays dans la tourmente.

Donc j’ai accueilli avec satisfaction une bonne contribution de NEO pour fournir quelques pièces manquantes au puzzle. Je n’ai pas besoin de rappeler aux lecteurs de VT combien il est difficile de suivre toutes les couches qui s’empilent dans ce sac de nœuds gordiens moyen-oriental … Jim W. Dean)


Publié pour la première fois le 24 novembre 2015.

Sheikh

Il ne fait aucun doute que l’offensive militaire russe contre l’EIIL en Syrie a véritablement déstabilisé toute l’emprise de cette organisation et que celle-ci a pratiquement provoqué une réorientation du paysage stratégique du Moyen-Orient qui avait été très perturbé auparavant par l’émergence d’on ne sait combien de groupes mercenaires soutenus par l’Occident.

Il va sans dire, que malgré le succès rapide des frappes aériennes russes en Syrie, l’offensive militaire n’est cependant pas la seule approche adoptée par la Russie pour débarrasser le Moyen-Orient de son pire cauchemar. En plus de bombarder les repaires de l’EIIL, les Russes ont été occupés, particulièrement au cours des derniers jours, à œuvrer pour un « dialogue politique » afin de maintenir l’équilibre entre leurs objectifs stratégiques et politiques.

Il est évident que la Russie ne veut pas se contenter d’expulser l’EIIL du Moyen-Orient à coups de bombes ; elle veut également contrer les grands objectifs stratégiques de l’Occident qui visent à contrôler les flux énergétiques de la région et ainsi miner l’économie russe. Pour contrebalancer les projets de l’Occident, la Russie a besoin de renforcer ses relations politiques à travers la région.

Depuis le début de l’offensive russe, les deux pays avec lesquels la Russie a été activement engagée sont la Turquie et l’Arabie Saoudite. Cela ne veut pas dire que seule la Russie a besoin de traiter avec ces pays. En fait, aussi bien la Turquie que l’Arabie Saoudite, réalisent que sans les Russes, ils ne pourront pas se sortir de la crise dont ils sont, directement ou indirectement, à l’origine.

Sergey Ivanov

            Serguei Ivanov, chef d’état-major de l’Armée russe

Un des exemples de manœuvres politiques de la Russie au Moyen-Orient a été donné il y a quelques jours lorsque le chef d’état-major du Kremlin, Serguei Ivanov, a évoqué les relations russo-turques sous l’angle du maintien de relations équilibrées avec la Turquie à la suite de l’incident diplomatique qui a suivi la destruction de l’appareil militaire dans l’espace aérien turc (en fait syrien, NdT.)

Il a déclaré : « Nous avons parfois des avis contradictoires dans les relations internationales, mais nous les discutons en public et en privé dans l’intérêt de nos relations mutuelles ».

Bien qu’il se soit exprimé dans le contexte de l’incident aérien, il mettait l’accent sur les relations russo-turques dans le contexte d’une pression grandissante sur la Turquie des pays de l’OTAN– la pressant d’utiliser ses prérogatives pour les aider à contrebalancer les manœuvres stratégiques russes dans la région méditerranéenne.

Cependant, le fait que la Turquie n’ait pas formulé une telle requête à l’alliance est une indication de la prudence et de la subtilité avec lesquelles la Turquie équilibre sa position vis-à-vis de l’Occident et de la Russie dans le contexte d’un scénario géopolitique en évolution rapide au Moyen-Orient.

Comme l’a souligné Ivanov, les attentats à la bombe en Turquie plaident pour le renforcement d’un partenariat avec la Russie contre l’EIIL – qui est une menace pour tous. Le Président russe Vladimir Poutine a également appelé son collègue Recep Tayyip Erdogan pour lui présenter ses condoléances. Plus tard, il a dit dans une interview que les attentats terroristes en Turquie étaient une provocation.

« Ce qui s’est passé en Turquie est certainement un attentat terroriste particulièrement osé, un crime qui a fait de nombreuses victimes et bien sûr, une tentative pour déstabiliser la situation d’un pays amical envers nous. De plus, il a eu lieu au cours d’une campagne électorale », a déclaré Poutine. « En fait, c’est une provocation évidente », a-t-il ajouté ultérieurement.

Alors que la Turquie a choisi une approche prudente dans ses relations avec l’Occident et la Russie, elle a également clairement conscience du fait qu’elle ne serait pas capable de résister à la tragédie qui s’abattrait sur elle si elle permettait qu’on utilise son territoire pour contrecarrer l’offensive russe dans la région. Cela ne veut pas dire que la Russie entreprendrait d’attaquer la Turquie. La tragédie que nous évoquons pourrait très bien résulter du paysage sociopolitique interne de la Turquie.

Au niveau intérieur, la Turquie fait face, à beaucoup de failles– entre les sécularistes et les islamistes, entre les turcs et les kurdes, entre les anatoliens et les égéens, entre les sunnites et les alaouites, et ainsi de suite. Vu la situation actuelle, et compte tenu de la tourmente politique qui  résulte de l’incapacité d’Erdogan à former un gouvernement de coalition, la Turquie n’a jamais été aussi divisée qu’aujourd’hui. Différents groupes sociaux essaient de régler divers comptes historiques et politiques.

Ils sont tous très actifs dans une atmosphère politique particulièrement pesante. Dans ce contexte, l’avertissement d’Erdogan à la Russie et aux Etats-Unis pour leur soutien aux milices kurdes est une tentative supplémentaire de sa part de faire des acrobaties politiques pour dissimuler les tensions internes et se dédouaner de toute responsabilité d’avoir mal géré ces situations de crise, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

I wonder whose head Putin would love to chop the most?

On se demande quelle tête Poutine préférerait couper ?

A l’autre extrémité de l’échiquier politique se situe l’engagement renouvelé de la Russie envers l’Arabie Saoudite. Il est assez difficile à ce stade de dire si c’est l’ouverture de la Russie vers la Turquie ou son engagement avec l’Arabie Saoudite qui s’avérera le plus important.

Cependant il est assez clair qu’ils sont complémentaires et que leur dynamique pourrait renforcer l’élan renouvelé de la diplomatie régionale russe.

En tant que telle, la réunion qui a eu lieu entre le Ministre de la Défense saoudien et Vladimir Poutine a souligné le besoin de se focaliser sur des « intérêts communs » que les deux pays partagent en Syrie. Le plus significatif de ces intérêts « communs » étant le besoin d’empêcher une mainmise islamique en Syrie.

Dans une conférence de presse commune tenue dimanche à Sotchi entre le Ministre russe des Affaires Etrangères et son homologue saoudien Adel bin Ahmed Al-Joubeir, à la suite des pourparlers entre le prince saoudien et Poutine, Lavrov a clairement souligné que les deux pays avaient discuté « une série d’options » et les « diverses approches » qui s’y rapportent et sont tombés d’accord « pour les utiliser afin d’orienter leurs futures actions ».

Il a également révélé que Poutine avait recherché une relation russo-saoudienne « aussi concrète que possible » dans la période à venir et que dans cette perspective « une compréhension mutuelle importante a été trouvée. »

Il a ajouté qu’afin d’instaurer une confiance mutuelle, Vladimir Poutine avait également exprimé la volonté russe « d’encourager nos militaires et nos forces spéciales de commencer à travailler ensemble aussi étroitement que possible pour écarter tous les doutes sur le fait que les cibles de l’aviation russe soient véritablement l’Etat Islamique, le Jabhat al-Nusra et d’autres groupes terroristes. »

Le ministre saoudien des Affaires Etrangères Adel al-Joubeir a déclaré que Riyad était préoccupé par les opérations militaires russes en Syrie. Joubeir, qui est apparu aux côtés de Lavrov, a affirmé que l’Arabie Saoudite recherchait un terrain d’entente commun avec la Russie pour sauvegarder l’unité de la Syrie. Lavrov a déclaré que Moscou comprenait les préoccupations saoudiennes, et que les deux pays partageaient l’objectif « d’empêcher l’établissement d’un califat terroriste en Syrie ».

Il s’agit d’une initiative majeure de la part de la Russie pour neutraliser la propagande médiatique américaine qui affirme que l’offensive russe vise à « renforcer l’EIIL » en Syrie. En attirant l’Arabie Saoudite dans son giron et en rejetant les propositions visant  à ouvrir des centres de coordination pour la lutte antiterroriste dans la région, la Russie a été capable d’obtenir des avancées significatives qu’elle est en train de constituer du côté politique.

Si la Russie réussit à intégrer de façon formelle l’Arabie Saoudite et la Turquie dans sa lutte contre les groupes terroristes en Syrie, les Etats-Unis pourraient se retrouver dans un imbroglio géopolitique inédit et jamais expérimenté. Non seulement ils devraient reconnaître la réussite russe au Moyen-Orient mais ils seraient dans l’obligation de revoir leur « principale stratégie ».

http://www.veteranstoday.com/2015/12/03/neo-success-of-russias-political-front-in-the-middle-east/
Salman Rafi Cheik, est chercheur et analyste international, et chargé des Relations intérieures et extérieures pakistanaises en exclusivité pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »


Traduction Française Patrick T rev Isabelle

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